Télescopage Heureux comme un agriculteur ?
"Agriculteur, deuxième métier qui rend le plus heureux ! " et "Près de 500 suicides d’agriculteurs en trois ans". Ces deux informations a priori opposées viennent de se télescoper. Sont-elles contradictoires ou complémentaires ? Un article extrait de Terre-net Magazine n°31.
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Agriculteur, deuxième métier qui rend le plus heureux
C’est ce que vous avez pu lire sur Terre-net.fr suite à une enquête Viavoice pour Rtl et Le Nouvel Observateur. 86 % d’entre vous se déclarent heureux au travail et 11 % « pas heureux » (3 % ne se prononcent pas). Le métier d’agriculteur ressort deuxième des professions qui rendent le plus heureux, derrière les cadres de la fonction publique et devant les enseignants, les artisans et commerçants, les médecins, pharmaciens et dentistes. Les agriculteurs ont pourtant un travail pénible (66 % d’entre vous le disent). Ils font beaucoup d’heures pour des revenus pas toujours à la hauteur, mais sont autonomes et "maîtres chez eux". Leur activité professionnelle les passionne, ils entretiennent de bonnes relations avec leurs collègues et 84 % se sentent utiles à la société et fiers de nourrir la planète.
Près de 500 suicides d’agriculteurs en trois ans
Le suicide est la troisième cause de décès dans le monde agricole après les cancers et les maladies cardiovasculaires, indique l’Invs (Institut national de veille sanitaire), dans une étude publiée le mois dernier. Au total, 417 hommes et 68 femmes sont passés à l’acte de 2007 à 2009, avec une surmortalité particulièrement marquée chez les éleveurs de bovins lait et de bovins viande âgés de 45 à 64 ans. Le taux de mortalité lié au suicide atteint 35,9 pour 100.000 en 2009 chez les agriculteurs, et s’avère bien plus élevé que chez les salariés tous secteurs confondus (24,7). Ces observations coïncident avec les problèmes financiers rencontrés en élevage sur la période d’étude, précise l’Invs qui établit un lien direct entre suicide et difficultés économiques. Premier état des lieux officiel sur ce sujet sensible, cette enquête s’inscrit dans le plan de prévention du suicide dans le monde agricole qu’avait lancé en 2011 Bruno Le Maire, alors ministre de l’Agriculture (1).
Contraste difficile
"Plus on est heureux, plus on se suicide", semble indiquer ce télescopage entre les deux études. Réalité ou erreurs d’enquête ? On peut faire le parallèle avec d’autres chiffres montrant que les suicides sont plus nombreux dans les pays où l’on est le plus heureux.
Dans une étude américaine, il y a deux ans, l’un des auteurs (Stephen Wu) faisait l’hypothèse que « les gens malheureux qui vivent dans un petit paradis ressentent encore plus durement leur malheur » (2). C’est ce contraste entre leur situation et celle des gens qui les entourent qui pourrait augmenter la tendance au suicide. Inversement, on peut se sentir réconforté dans un contexte où ça va mal chez tout le monde. Les 11 % d’agriculteurs qui ne sont pas heureux seraient donc encore plus malheureux en se sentant "à part" dans un monde où 86 % des producteurs agricoles sont heureux. L’idéal serait non pas que le bonheur des uns fasse le malheur des autres, mais que le bonheur soit contagieux.
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